Comment suis-je devenue artiste?

Comment suis-je devenue artiste?

Mardi, 8 Avril 2025

Comment suis-je devenue artiste? 

Je ne me rappelle pas d’avoir été autre chose que cela. J’ai eu la chance d’aller à l’école dans un établissement scolaire où tout l’enseignement était tissé d’art. La première reconnaissance que j’ai reçue, fut mon premier jour de primaire. Nous devions faire un dessin. J’avais représenté une maison tout en couleur (je l’ai encore aujourd’hui à 60 ans). Ma maîtresse l'avait montré à toute la classe car j’étais la seule à avoir fait un dessin clairement représentatif. Je me rappelle du plaisir que j’ai ressenti. Ensuite, je n’ai plus arrêté. Nous pratiquions les arts de l’aiguille, les arts plastiques, la sculpture sur bois, la musique, le chant, la danse, le théâtre. Je n’éprouvais aucune difficulté dans les matières scolaires mais tous ces cours là me rendaient très heureuse. 

Puis vint le temps de choisir mes études. Curieusement j’ai choisi une fac de maths dans laquelle je n’ai pas tenu. J’ai travaillé et j’ai eu mon premier enfant à 20 ans. Au fond de moi j’aurais souhaité faire les Beaux-Arts mais je pensais que je devais avoir une activité rémunératrice. Je me suis rabattue sur des études de graphisme. Ce furent de belles années. A l’époque nous ne travaillions pas sur ordinateur. Nous dessinions beaucoup, créions, réfléchissions aux langage des couleurs et aux messages. Entre-temps les ordinateurs rentrèrent dans le champs de ce métier et la proposition professionnelle fut communément de rédiger des petites annonces pour la presse ou le bottin téléphonique. Ce n’était pas du tout pour moi. Mère de trois petits enfants à 26 ans, je trouvai un poste d’enseignante de matières artistiques dans une école. Ce fut ma carrière pendant 30 ans dans différents établissements en France et en Suisse avec des élèves de tous âges ainsi que des adultes. Entre temps je peignais à la maison, je me formai à l’histoire de l’art puis à un art du mouvement proche de la danse et j’ajoutai ces matières à mon enseignement. Parallèlement je pratiquais également la musique en amatrice. Enfin je devins art-thérapeute.

Quand je regarde ce parcours, j'observe qu'il m'a conduite à une approche essentielle pour moi que j’ai appelée « pan-artistique ». J’entends par « pan-artistique » une transversalité totale entre les arts qui  a abouti à un manifeste que j’ai nommé «momosomaco », mo-mo-so-ma-co, mouvement-mots-sons-matières-couleurs qui constituent les cinq moyens de création que nous avons tous à disposition, la plupart du temps séparément, en choisissant de favoriser une des lignes. Aujourd’hui je pratique plutôt la peinture mais elle est totalement imprégnée par cette recherche. Je ne conçois pas de peindre sans intégrer  - le mouvement corporel, le voyage, la flânerie - ni le récit, l’écriture et les références poétiques - ni les résonances, les accords, les mélodies, les rythmes - ni le choix des matières et les éléments (terre, air, eau ,feu, éther) - ni la couleur qui contient l’ombre et la lumière. 

Chaque couleur a une densité, une résonance, un message, un mouvement propre. Chaque matière porte une teinte, se modèle ou se fige dans un mouvement, émane des fréquences de résonance, raconte une origine ou un paysage. Le mouvement est soutenu par la matérialité du corps ou des éléments. Il est mélodique, son émotion est le reflet d’une couleur et peut exprimer un message. Chaque son a sa fréquence issue de la vibration de la matière. La composition et les interprètes musiciens colorent les sons, construisent et élaborent leur musiques en mouvements et en font un récit à l’exemple de L.v. Beethoven et sa symphonie n°3 « Héroïque » ou la valse du « Beau Danube Bleu » de Johann Strauss. On voit bien le lien de l’écriture avec les autres moyens d’expressions. La musique y est évidente, la couleur est présente dans la poésie et va jusqu’aux lettres dans le poème « Voyelles » d’Arthur Rimbaud. On dit des mots qu’ils sont « lourds » de sens, que le discours est « dense », autant de références à la matière. Les calligrammes de Guillaume Apollinaire dessinent les textes en mouvement.

Une grande sensibilité est nécessaire pour que l'oeuvre en s'en empreigne et que le travail aille au-delà de la projection théorique. Je m'y attelle avec toute mon attention et avec ferveur.

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